vendredi 14 août 2015

À la recherche de la partie d'horreur parfaite: Ce que font les personnages (partie 2)

La semaine dernière, on a posé quelques bases pour l'analyse qui va suivre et on a déjà tenté de faire la liste des actions entreprises par les personnages de film. Cette semaine, on s'attaque aux actions des joueurs de jeux vidéo et des rôlistes.

Pour rappel, les dix catégories d'actions des joueurs:

Merci Dorian, La classification, https://youtu.be/4gMXNmZzqZE?t=4m38s Pour plus d'informations sur les différentes catégories, vous pouvez vous rendre sur Serious Game Classification qui propose, en français, une bonne explication pour chaque brique avec des exemples d'actions et de jeux.

Actions de Jeu Vidéo


Si on reprend notre partie de Corpse Party: Tortured Souls (dans mon cas, si on retourne regarder PewDiePie jouer) ou qu'on adopte un autre jeu d'horreur pour l'occasion, on se rend compte que le joueur…



Resident Evil 3
Évite: Ce qui fait un bon jeu d'horreur, c'est l'impuissance face aux monstres. Et qui dit impuissance dit fuir pour sauver sa peau. C'est un trait que Corpse Party partage avec Resident Evil, Silent Hill et d'autres jeux, quand on voit un monstre, d'abord on fuit. Éventuellement plus tard on revient avec une arme.

Project Zero 1
Atteint: À peu près 75% de votre jeu d'horreur. C'est la catégorie qui contient "explore", mais en l'additionnant avec une composante puzzle. Comme il faut bien justifier de vous faire faire trois fois le tour du manoir hanté, l'excuse c'est bien souvent une porte verrouillée derrière laquelle se trouve la suite de l'aventure. Alors, maintenant que vous avez traversé l'horrible salle qui fait peur, il est temps de remettre ça dans l'autre sens pour aller chercher la clé. Sadique les développeurs? Parfois je me demande.

Silent Hill: Homecoming
Détruit: D'abord on court, mais au bout d'un moment on trouve une hache ou un appareil photo qui vole les âmes et alors, VENGEANCE! Cette brique n'est plus aussi incontournable qu'elle l'a été cependant. Avec des jeux comme Amnesia: The Dark Descent, Five Nights at Freddy's ou encore Slender Man, le monde du jeu vidéo d'horreur est en train de se remplir peu à peu de jeux encore plus horribles où vous ne pouvez RIEN FAIRE contre l'horreur. Tout ce qu'il vous reste, c'est courir vous cacher et éviter de perdre votre santé mentale. Ce qui n'est pas plus mal, parce qu'il ne faut pas grand chose pour que votre jeu d'ambiance se transforme en survival horror et que vous vous mettiez à courir après les monstres au lieu de les craindre. Mais, pour tous les autres jeux, il arrive ce moment jouissif où la chasse est ouverte!

Corpse Party: Tortured Souls
Choisit: Moins répandu mais présent dans notre Corpse Party, alors je le mentionne, les petits choix multiple du genre "vous êtes vraiment sur que vous laissez votre meilleure pote courir toute seule dans le couloir? Vraiment?" ou encore les choix de dialogue peuvent changer la fin de certains jeux. Ils n'ont pas forcément un impact incroyable sur votre partie, mais c'est là et ça permet de justifier de relancer le jeu à la fin. Juste pour voir ce qui se passe si je laisse vraiment ma meilleure amie courir toute seule dans le couloir.

À ce point faisons une petite comparaison préliminaire avec les actions de films et revoyons nos catégories (pour rappel, ça donnait ça: Explorer/déplacer, Parler, Fuir/éviter, Se battre/détruire, Obtenir des infos/gérer).

D'abord Fuir/éviter et Se battre/détruire correspondent à ce qu'on a obtenu pour le jeu vidéo. C'est plutôt un bon début.

Ensuite on a Explorer/déplacer qui se retrouve aussi dans le jeu vidéo. Sauf qu'en ce qui concerne le jeu vidéo, je l'ai accroché à Atteindre à cause de la composante puzzle qui fait que déplacer le personnage dans le jeu n'est jamais une action gratuite mais toujours un moyen servant un but (trouver un objet, amener cet objet au bon endroit). Est-ce à dire que les déplacements des personnages de films sont gratuits? Et bien… Oui. Et Non. La différence principale entre le film et le jeu, c'est qu'un personnage de film peut être véritablement perdu et se balader parce que la vue est belle et se promener est un hobby comme un autre. Dans le jeu vidéo d'horreur, si le joueur ne sait pas quel objectif il est supposé remplir, ça le frustre, et si la frustration dure trop, le jeu fini par prendre la poussière sur une étagère. Du coup il est très rare que le joueur aie pour consigne "ballade-toi". Et même si la consigne c'est "découvre" pendant un certain temps, le joueur va accomplir cette tâche dans le but de découvrir son prochain objectif. Enfin, notons que si se déplacer c'est à peu près 75% de votre expérience de jeu, en film c'est rarement plus de 5% du temps d'écran. Dans sa critique de Silent Hill, Karim Debache reproche d'ailleurs au film son rythme plat, parce qu'il insiste et nous montre le personnage courir d'un point à l'autre, ce qui crée de longues scènes visuellement cool mais chiantes comme la mort, avec quelques interludes au milieu où il se passe des trucs. Enfin, il le dit beaucoup mieux que moi alors je vous invite à regarder sa vidéo (et tous les autres Crossed).



 Disons que nous allons modifier Explorer/déplacer en Explorer/déplacer/atteindre pour le film. Mais à utiliser avec extrême modération.

J'ai dit que Parler était une grande composante du film et on a vu que dans Corpse Party choisir des dialogues tombaient sous Choisir. Est-ce qu'on peu appliquer ça au film aussi? À priori, vu que nous traitons nos personnage de film comme des humains avec toute une langue à disposition, ça fait juste plus de choix non? Ben non. Choisir signifie en fait choisir une option à l'écran. Et, si on observe mieux notre Corpse Party, on se rend compte que le but final de votre choix c'est justement ça. Choisir. Influencer la fin du jeu. Dans la vrai vie, parler vous sert à remplir des dizaines d'objectif pouvant aller d'obtenir quelque chose à simplement socialiser. Ce qui devient rapidement répétitif dans le jeu vidéo est une activité tout à fait valable lorsque on n'est pas limité par des lignes de dialogue prédéfinies. D'où les deux heures qu'il vous faut pour prendre un café avec un ami, comparé au passage rapide des scènes de dialogue en jeux (et la transformation des cinématiques en scènes interactives que le joueur peut ignorer). Je vais donc considérer l'action Parler du média film comme séparée de l'action Choisir du dialogue de jeu vidéo.


Enfin, Obtenir des infos/gérer. Franchement, je ne suis pas sur de ce "gérer". Parce que si vous regardez bien, le personnage de film à besoin des informations qu'il collecte. Personne ne luit dit "rend toi dans telle pièce" et aucun design de level ne le pousse à se rendre du point A au point B. Ce sont ses objectifs qui font ça et les informaitons qu'il collecte sont le moyen de remplir ces objectifs. Je dirais donc que dans le monde du film, collecter des information est une brique à part entière. Qu'en est-il du jeu vidéo?

Si vous avez regardez ce Crossed sur Silent Hill que je n'arrête pas de vous recommander, vous saurez de quoi je vous parle en mentionnant les Aventures de Boromir dans le Vrai Monde Réel de la Réalité Véritable. Je n'ai jamais joué au jeu, donc je ne peux pas garantir la véracité de cette théorie, mais j'en ai une. De théorie. Dans le jeu, il y a deux types d'informations. Les informations de type "prochain objectif" et les information de type "ambiance". Dans le film Silent Hill, la majorité des premières informations se trouvent dans la narration de Maman Da Silva. La deuxième catégorie d'informations, inutiles pour le jeu ou pour envoyer Maman Da Silva vers son prochain objectif, se trouve dans les Aventures de Boromir dans le Vrai Monde Réel de la Réalité Véritable. Qu'est-ce que ça nous dit sur les jeux? Que les informations types journaux d'expérimentation de Resident Evil, cassettes de Project Zero ou encore les articles de journaux affichés sur les murs de Five Night at Freddy's ne sont pas des briques de gameplay, donc bye bye le rapprochement avec Gérer. Quant aux informations de types "prochain objectif" dans le jeu vidéo elles tombent dans la catégorie Atteindre. Mais le personnage de film ne traite pas l'information de cette façon. Pour lui, tout est potentiellement utile dans sa quête pour la survie. Ce qui justifie à mon sens de garder une catégorie Obtenir des informations pour plus tard.

Actions de JDR


Ce qui veut dire qu'il ne nous reste que le jeu de rôle. Alors, dans ma partie de jeu de rôle ordinaire de l'Appel de Cthulhu (qui, on vous le rappelle, n'est pas de l'horreur Lovecraftienne), moi joueuse je…

Évite: Okay, jusque là c'est familier. On attaque pas les monstre sans savoir ce que c'est et s'assurer qu'ils ne vont pas réduire mon personnage en bouillie à la première rencontre. Donc, au début, je me cache et je cours. Juste… peut-être pas aussi longtemps que dans un film ou un jeu vidéo. Fuir en JDR ça veut dire effectuer un certain nombre de jets d'opposition de course et c'est pas toujours très glamour. Parfois même fuir c'est annoncer "je fuis" et obtenir la réponse "okay" du MJ. Et puis ensuite on passe à autre chose.

Atteins: Hum… Discutable. Si le vieux professeur fou veut un livre de la bibliothèque, je suppose que je lui apporte un vieux livre de la bibliothèque. Disons que la partie la plus intéressante du jeu d'horreur ce n'est pas forcément les chasses au trésor. Et se déplacer en JDR c'est moyennement intéressant en soi. Voir ci-dessous. MAIS! Remplir des objectifs ça c'est cool. Et les joueurs de JDR comme leurs homologues du monde vidéoludique aiment avoir un objectif clair quelque part qu'ils peuvent ignorer la moitié du temps avant d'y revenir 5 min avant la fin de la soirée (Attention: l'objectif principal peut venir du MJ ou il peut venir du joueur, souvent se mettre d'accord sur ce qu'est cet objectif principal crée une meilleure expérience de jeu pour tout le monde)

Déplace: Non. Ça, en jeu de rôle, on fait pas. Marcher ça devrait être une ellipse assurée. Explorer, ça veut dire obtenir le plus vite possible les informations utiles d'un lieu plus un petit bonus ambiance, le tout en regardant éventuellement un plan. Et puis, pour cause des objectifs mentionnés ci-dessus on passe peu de temps à admirer le paysage.

Détruis: Oui, à l'aide de mon fusil à éléphant je chasse régulièrement du mi-go et d'autres créatures. Surtout une fois que je sais que les balles en argent fonctionnent. VENGEANCE!

Choisis: Oui aussi. Mais c'est trompeur parce que cette catégorie ne devrait couvrir que les moments où le MJ vous demande de choisir entre plusieurs options prédéfinies… ce qui ne dois pas arriver si souvent que ça. La plupart des choix du JDR sont des questions ouvertes type: et maintenant, tu fais quoi? Et plus rarement des question de type "oui ou non". Mais il y en a, alors on accepte cette catégorie.

Parle: En même temps, si on parle pas y'a pas de jeu. Mais ce qui est intéressant dans le JDR, c'est que même un échange très banal peu devenir du rôle play. Une conversation sur votre film préféré peut tout à fait s'intégrer au jeu. Un débat sur la couleur du tapis peut très bien garder les joueurs intéressés pendant plusieurs heures. Ce qui n'est pas le cas dans le jeu vidéo évidement où les dialogues sont du temps de non-jeu. Et il est probable que cette discussion sur la couleur du tapis passe assez mal dans un film, où le dialogue se doit de faire avancer l'histoire et d'apporter des informations intéressantes.

Obtient des informations: Le JDR rejoint le film sur ce point, car il ne fait pas de différence entre les information d'objectif et les informations d'ambiance. Le joueur est libre de faire ce qu'il veut des informations qu'on lui donne et traite le tout comme potentiellement utile. Parce que votre MJ va probablement vous laisser aller chasser une créature horrible avec votre fusil à éléphant, vous avez vraiment intérêt à savoir si les balles en argent fonctionnent ou non. Ou alors vous, joueur, pouvez décider qu'une information fausse mais admise comme vraie dans une population de PNJ peut vous servir pour monter une arnaque à grande échelle. Il n'y a pas d'informations plus importante qu'une autre parce qu'au final un PJ est libre de définir lui-même son objectif et donc il peut donner de la valeur à une information qui n'en avait pas pour le MJ.

Vous savez quel est l'autre truc cool avec les informations? Vous n'avez pas besoin d'en extraire la substantifique moelle pour expliquer ce qui se passe réellement aux joueurs. Leur tendre un article de journal et les laisser décider de ce qui est pertinent dedans est en fait un très bon moyen de garder vos joueurs intéressés et actifs. Apparement ça s'appelle la Théorie de la Complétion Cognitive? (Je n'ai pas pu googler cette théorie, je la tiens du gars qui fait les Game Theory, MatPat, dans une vidéo de Youtubers React, apparement il a fait des études universitaire dans un domaine scientifique lié.)


Conclusion

Sur les conseils de Lord Dawan je vous ai fait un tableau récapitulatif pour qu'on puisse bien se rendre compte de quoi on parle. Donc, souvenons-nous, le but de la manoeuvre c'est de se demander ce qu'on peut faire faire à nos joueurs dans une partie de JDR d'horreur en se donnant comme model les actions des personnages de film ou de jeu vidéo. Dans le cas du jeu vidéo on va même plus loin et on regarde ce que fait le joueur.


Qu'est-ce qu'on retire du tableau? Le JDR est plus proche du film que ce que je pensais. Comme dans le film, le dialogue est un outil extrêmement intéressant, beaucoup plus que dans un jeu vidéo où un dialogue est un temps mort.  Le personnage de film et le joueur de JDR traitent l'information sur un seul niveau, tout est utile à leur donner. Tout ce qui donne bien dans un film donne bien en JDR SAUF pour les déplacements continus qui ne fonctionnent que dans les médias qui bénéficient de la vidéo.

Au final, une partie de JDR d'horreur est un film avec des objectifs de jeu vidéo et une plus grande liberté d'action.

Par contre, le combat final semble être une constante dans tous les médias… je me demande ce que ça dit sur nous.


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