vendredi 26 juin 2015

Le JDR présenté par le jeu vidéo: Tiny Tina et la forteresse du dragon

On va dire que tant que je ne suis pas allée dormir, c'est encore jeudi hein?

Les développeurs des studios Gearbox Software sont des gens biens. C'est probablement parce que ce sont des rôlistes. Si si, je vous assure, la preuve en image:



Tiny Tina et l'attaque de la forteresse du dragon
(j'ai cherché une version sans commentaire mais sans succès)

Et une version en anglais sans commentaire de joueur

Sur l'idée et la réalisation, je n'ai qu'une chose à dire:


Vous avez vu les dés? Les dragons? Ce MJ à peu près aussi préparé que moi dans un bon jour? Non? Alors je vous fait faire le tour.

Bunkers et Brutasses


Les personnages de Borderland ont du temps à tuer pendant qu'un gars se fait torturer et interroger dans le sous-sol, Tiny Tina leur propose donc une partie de Bunkers et Brutasses pour passer le temps (points bonus pour la traduction du titre en français qui est aussi jouissif, voir même plus, que le titre anglais).

Normal quoi, c'est aussi comme ça que je commence la plupart de mes parties. Et mon groupe est tout pareil que dans la vidéo. Hein ? Des mercenaires sanguinaires ? Non, je voulais parler du gars dont le PJ est d'une importance capitale pour le scénario, mais qui est en retard pour la partie voir ne viendra pas du tout (Roland), de la joueuse logique qui aimerait bien qu'on respecte la cohérence du jeu (Lilith), du gars qui est à la table parce que tous ses potes y sont (Mordecai) du joueur "subtil" qui sera facilement conquis tant qu'il aura l'occasion d'exploser des gens et des choses (Brick), du pote du MJ qui va venir s'incruster une partie ou deux avant de disparaître à jamais (Torgue). Et puis il y a le maître du jeu, en gros une fillette de 12 ans hyperactive et psychotique en pleine overdose de caféine (Tiny Tina). Blague à part, le style de jeu de Tiny Tina vous sera sûrement familier, elle fait partie de la lignée des MJs bien équipés, qui se la joue figurine et quadrillage, descriptions travaillées presque solennelles et puis une vision du meujeutage sans aucune pitié pour les PJs. En ce qui me concerne, je me reconnais très bien dans la préparation à l'arrache qui mène à devoir improviser la moitié de la session pour compenser l'absence totale de scénario et une grosse erreur de calibrage d'ennemi en début de séance.


En me tapant les 11 vidéos de la version en V.O. j'ai remarqué que le JDR est caractérisé de deux façons différentes par les développeurs.


1. Le matos


La scène d'intro montre un écran de maître, des figurines et des dés. Les figurines servent à faire deux blagues. D'abord, Brick s'empare d'une figurine de personnage féminin en déclarant que son personnage s'appellera Brique et sera la plus jolie sirène au monde. Ensuite, les PJs doivent aller parler au garde du corps de la reine qui est invisible jusqu'à ce que le MJ place la figurine sur le quadrillage, faisant ainsi apparaître le PNJ dans la "fiction".


Les dés sont utilisés par Tiny Tina pour lancer le jeu, c'est le premier visuel que nous avons (« Lancez pour l'initiative! » dit-elle en balançant plusieurs dés de formes diverses par dessus l'écran). L'objet, ramassé par Brick, sert aussi de prétexte à quelques explications sur le jeu de rôle. Dans la "fiction" on retrouve les dés placés au-dessus de certains coffres de loot, il faut les lancer pour pouvoir ouvrir les coffres, je suppose que c'est un test en crochetage (pas n'importe quel dé, Bunkers et Brutasses est clairement un hommage à D&D, en tant que tel il utilise le D20). Enfin, les dés sont mentionnés par le MJ et les joueurs comme moyen de décider qui va s'adresser aux différents PNJs, et ce au détriment des caractéristiques des personnages. Les dés sont la référence au JDR que l'on retrouve le plus souvent dans le scénario, ils semblent donc être l'élément le plus emblématique du JDR pour les développeurs.

2. L'autorité narrative


Borderlands est imprégné d'oralité et de référence à la narration, d'ailleurs le jeu est lancé par une intro où une voix off déclare qu'elle va nous raconter les aventures des chasseurs de l'arche, et ce que ça nous plaise de l'écouter ou non. Mais si vous regardez l'arrivée des personnages à Flamerock Refuge, ou plus loin l'entrée dans la Forêt de la Tranquilité, vous avez pu constater que la narration de Tiny Tina altère le monde de façon dramatique. En plus de changer l'atmosphère et l'apparence du monde, la parole du MJ sert à insérer des éléments et des situations dans l'univers fictif. Certains de ces éléments sont amenés par les récriminations des joueurs, mais c'est principalement Tiny Tina qui possède l'autorité narrative (qu'elle partage un moment avec Torgue, plus qu'un personnage il prend le rôle d'un MJ par intérim). Le MJ est donc présenté comme le dieu créateur de l'univers fictionnel (d'ailleurs dans la V.O. l'un des joueurs meurt et quand il revient à la vie l'espèce d'autel de résurrection lui dit que Tiny Tina est une déesse bienveillante) mais le MJ est un dieu qui doit prendre en compte les demandes des joueurs (la plupart des commentaires des joueurs sont suivis par une modification et Tiny Tina demande aux joueurs de lui donner leur impression sur la partie). Par contre les PJs n'ont que des conversations hors RP entre eux et très peu d'interactions avec les PNJ qui ne consistent pas à tuer. Une des missions est présentée comme une mission diplomatique, mais elle se transforme rapidement en carnage quand un joueur décide de frapper le PNJ au lieu de lui parler. Cette dernière… exagération est probablement due en partie au côté FPS de Borderlands (j'allais dire que cette déformation était due aux mécaniques de FPS mais les joueurs qui se la joue "mon perso fait ça" et "mon perso lui dit que" sont nombreux et s'amusent autant que les autres, même lorsqu'ils explosent le roi des nains et tout son peuple au lieu de leur proposer une alliance).

3. Conclusion


En conclusion, Borderlands dit que le jeu de rôle sur table est une activité où les actions des joueurs sont règlementées par l'utilisation d'un dé. Comme dans le jeu vidéo, le joueur incarne un personnage qui est représenté par une figurine. Ces deux éléments sont peut-être les plus discutables pour la représentation du JDR mais visuellement ce sont les plus parlants pour un public de non-rôlistes. Ils sont aussi très caractéristiques de D&D le jeu dont est inspiré Bunkers et Brutasses. Autre élément important que nous enseigne Borderlands, le MJ crée l'univers et l'action par la parole dans le but de façonner une histoire intéressante pour les joueurs pour lesquels il doit adapter la partie (ce dernier point me semble central, d'autant plus que le scénario de Tiny Tina est très linéaire, par conséquent le nombre de fois où le MJ change un détail ou un élément d'importance sous l'impulsion d'un joueur semble un indice de l'importance accordée à créer des situations POUR les joueurs par opposition à un jeu qui consisterait à balader les joueurs dans le scénario du MJ). Pour un jeu vidéo dont la mécanique principale consiste à tuer, la présentation du JDR me paraît assez extensive et je trouve que l'équipe de Gearbox Software a fait du très bon boulot.

2 commentaires:

  1. Excellent, cet article!

    Un aspect de ce DLC, qui va au-delà du pur aspect "jeu" et qui, à mon avis, contribue aussi largement à son côté mythique, c'est tout ce qui tourne autour de Roland. Difficile d'en dire plus sans spolier, mais au milieu de toute cette poilade, la scène finale m'a quand même un peu serré la gorge.

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    1. Oui, cette scène finale était une magnifique apologie de la fiction comme moyen thérapeutique. Franchement une utilisation tout à fait géniale du JDR qui n'a fait qu'augmenter mon respect pour le studio.

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